Interview d’Anaël Bibard, cofondateur de FARMLEAP, par ICI Agrifood

Bonjour Anaël, peux-tu nous présenter FarmLEAP et ta solution digitale innovante ?

FarmLEAP est une solution digitale qui collecte et analyse les données des agriculteurs et facilite les liens entre les différents acteurs de la chaîne de valeur. Elle favorise, par exemple, le partage de données entre les acteurs de l’agroalimentaire et leur chaîne d’approvisionnement en s’adaptant, en terme d’usage, aux besoins et contraintes de chacun. Cette plateforme connaît une forte croissance d’utilisation : plus de 430 coopératives et négoces utilisent aujourd’hui une brique de la solution FarmLEAP ainsi que de grandes structures de l’agroalimentaire comme Mc Donald’s, Barilla France ou Carrefour. En 2023, cette plateforme est appréciée de ses utilisateurs car elle leur confère non seulement des bénéfices techniques, mais aussi de sécurisation et de réassurance dans la circulation des données et surtout du gain de productivité avec plusieurs centaines de milliers d’euros économisés par an au total.

Les transitions agricole et alimentaire exigent des changements et par conséquent des connaissances et des mesures : la plateforme FarmLEAP permet, à un coût abordable, de fluidifier les relations entre les acteurs et d’accélérer les transitions car elle donne accès à des données et permet de les faire circuler auprès de tous les acteurs de la chaîne pour que chacun en retire des bénéfices. Elle matérialise ainsi concrètement le concept « de la fourche à la fourchette » et participe au développement de l’impact positif pour la filière.

Quelle a été la genèse de la création de FarmLEAP ?

Fils de paysan et diplômé de l’école d’ingénieurs de Purpan, avec une première expérience professionnelle en conseil innovant chez Cerfrance, j’ai cependant repris des études, en parallèle de cette activité, pour réaliser un MBA en Finance. J’avais observé que les performances agronomiques, économiques et environnementales des agriculteurs s’amélioraient lorsqu’ils travaillaient en intelligence collective.

L’idée première a donc été de digitaliser cette intelligence collective et de créer une plateforme essentiellement destinée aux agriculteurs. Cette idée n’a pu se concrétiser que grâce au soutien de mes associés, dont les compétences en digitalisation pour l’un et entrepreneuriat pour l’autre sont venues compléter mes connaissances du monde agricole.

Ensuite, l’usage de la plateforme a évolué afin de mieux répondre à de nouveaux besoins exprimés par nos utilisateurs et à la nécessité de faire circuler les données dans les différents maillons de la chaîne. Nous sommes donc assez naturellement passé d’un modèle d’intelligence collective entre agriculteurs à un modèle d’intelligence collective plus large, au bénéfice des différents acteurs de la chaîne de valeur.

As-tu rencontré des difficultés dans ce parcours d’entrepreneur, lesquelles et comment les as-tu surmontées ?

La première difficulté quand on développe une solution pour le monde agricole c’est l’impossibilité de faire des itérations rapides du fait des campagnes annuelles et d’un pas de temps long : quand on pivote, il faut 2 ans pour voir les résultats concrets du pivot !

Ensuite, il faut acquérir de la légitimité, convaincre des clients de plus en plus importants d’utiliser une solution créée par une structure jeune. Il est indispensable, à chaque étape de croissance, de démontrer son potentiel et sa solidité, d’expliciter ses valeurs et ses compétences.

Enfin, le monde agricole ne fonctionne pas de la même façon dans tous les pays et les problématiques logicielles sont différentes en France, dans les pays de l’Est ou en Amérique du Nord. Notre solution est actuellement déployée sur 9 pays et bientôt sur toute l’Europe mais cela a nécessité de s’appuyer sur des partenaires tout en continuant à jouer notre rôle initial de « facilitateur digital » dans la chaîne de valeur.

Pour grandir nous avons pu bénéficier de l’appui de différents partenaires : d’abord le Réseau Entreprendre avec un prêt à taux zéro et les échanges possibles avec de nombreux entrepreneurs sans concurrence directe avec notre solution. Très rapidement nous avons eu le soutien de Bpifrance, financeur incontournable qui permet la création de beaucoup d’entreprises innovantes en France. Nous avons participé à des concours du type « Challenge AgriTech » de Mc Donald’s France, concours qui permettent de travailler avec de grandes structures sur des cas d’usage applicatifs, de bénéficier de leur vision long terme et d’avoir ensuite accès plus facilement à des levées de fonds avec des professionnels du secteur.

FarmLeap est une des startups totem ICI Agrifood : comment décrirais-tu cette communauté et quels sont les avantages pour une startup agritech d’intégrer ce réseau ?

Cette communauté s’est construite au départ sur la food, c’est-à-dire sur l’innovation alimentaire au niveau des aliments. Elle a su conduire une stratégie d’évolution peu commune en se tournant aussi vers l’amont de la filière et en créant des liens concrets et réels avec le monde agricole.

De plus la communauté, ouverte aussi bien aux projets early stage qu’aux projets plus structurés, donne la possibilité de mieux connaître tout l’écosystème de l’alimentation et de rencontrer à la fois des structures de l’agri et de l’agroalimentaire. C’est une communauté à l’écoute qui permet d’ouvrir les bonnes portes et de recueillir des conseils pertinents de la part de différents membres et professionnels aussi bien sur l’axe entrepreneuriat que sur l’axe filière.

Avec le changement climatique que l’on vit tous chaque jour, le monde agricole est face à un mur et il est indispensable de se préparer dès maintenant aux trente prochaines années car les étapes à franchir sont multiples. En parallèle, nous devons maintenir l’objectif de produire de l’alimentation dans le respect de la biodiversité pour sauvegarder notre souveraineté alimentaire tout en luttant contre le changement climatique.

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